Coursier ayant le statut d'autoentrepreneur : requalification du contrat de prestations de services et emploi dissimulé

Publié le 06/09/2022

Il y a lieu de requalifier en un contrat de travail le contrat de prestation de services conclu entre un coursier ayant le statut d'autoentrepreneur et une société gestionnaire d'une plateforme numérique de mise en relation de restaurateurs et de clients, dès lors qu'est caractérisée la fictivité de l'indépendance à l'égard de la société et l'existence d'un lien de subordination juridique permanent.

En effet, la qualité de travailleur indépendant était exigée par l'entreprise qui formait les livreurs sur la conduite à tenir durant la prestation, effectuait la facturation, donnait ses directives sur la façon de se vêtir, de procéder à la prise en charge des commandes de repas par la clientèle et à leur livraison, ainsi que sur la gestion de l'emploi du temps et sur le lieu d'exercice de la prestation, qui en a contrôlé l'exécution et exerçait un pouvoir de sanction.

Elle autorisait les prises de congés et sanctionnait les absences injustifiées. En outre, par la géolocalisation, elle exerçait un contrôle permanent sur les livreurs, dont l'intéressé, sur le respect de directives données, menaçant d'exercer un pouvoir de sanction unilatéralement défini en cas de non-respect de ses instructions, en des termes et selon des modalités non prévues au contrat de prestation de services.

D'ailleurs, le refus du coursier de « shifter » dans une zone autre qu'une zone de son choix et son refus de signer un avenant à son contrat pour une clause ajoutée a posteriori ont donné lieu à des menaces explicites de rompre la relation de travail et sont intervenus 5 jours avant que l'entreprise ne lui notifie la fin de la relation contractuelle.

L'existence d'une dissimulation d'emploi salarié est établie, le coursier démontrant qu'il a dû adopter un statut de travail indépendant pour pouvoir travailler pour le compte de la société qui en faisait une condition, qu'il a cependant travaillé dans le cadre d'une organisation collective imposée par la société et dans le cadre d'un lien de subordination juridique permanent. Il démontre que l'habillage juridique imposé par l'entreprise ne correspond pas à la réalité de son exercice professionnel et que son employeur avait l'intention de contourner les règles applicables et de dissimuler son emploi de salarié.

Il est octroyé au salarié une indemnité forfaitaire d'un montant de 14 615 €.

Texte de référence :

CA Paris, 6 juill. 2022, n° 20/01899