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Brief conjoncture Février 2024 : semer aujourd’hui ce qui demain mûrira

Publié le 19/02/2024

« Oh ! demain, c'est la grande chose ! De quoi demain sera-t-il fait ? L'homme aujourd'hui sème la cause, Demain Dieu fait mûrir l'effet », écrivait Victor Hugo en 1835 dans Les Chants du crépuscule.

Alors de quoi demain sera-t-il fait ? Après avoir été secouées par la crise sanitaire, les boules de cristal restent troublées par l’aggravation des tensions géopolitiques. S’il n’y a pas unanimité sur les chiffres, de grandes tendances se dessinent.

Projections de croissance du PIB en 2024 (en %)

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Source : Perspectives économiques de l’OCDE, novembre 2023

 

La croissance mondiale ralentit – près d’un point en-dessous de la moyenne des années 2000-2019 – avec de forts contrastes selon les pays : un faible ralentissement dans les pays émergents et en développement ; plus marqué dans
les pays avancés, sous l’effet du durcissement de la politique monétaire (qui provoque une baisse des investissements) et d’une demande atone. Les taux d’intérêt resteraient élevés en 2024, freinant les perspectives de croissance.

Après des niveaux inédits dans la période récente, l’inflation mondiale recule (de 8,7 % en 2022 à 7 % en 2023, puis 5,2 % en 2024), à la faveur de la baisse des cours internationaux des produits de base, sans perspective de retour aux niveaux antérieurs avant 2025.

Mais les aléas sont forts. Dans ses prévisions économiques de l’automne 2023, la Commission européenne souligne l’accroissement des « incertitudes et aléas baissiers entourant les perspectives économiques, dans le contexte de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et du conflit au Proche-Orient » : « Il existe un risque de perturbations des approvisionnements énergétiques qui pourrait avoir une incidence significative sur les prix de l'énergie, la production mondiale et le niveau global des prix ».

Résultant en partie des dispositifs de soutien aux ménages et entreprises mis en place lors de la pandémie, les ratios dette publique/PIB des pays de l’OCDE se situent à des niveaux historiquement élevés. Ces tensions budgétaires croissantes « trouvent leur origine dans de multiples sources, parmi lesquelles le vieillissement des sociétés et la nécessité de lutter contre le changement climatique », souligne l’OCDE.

1) Autres maux, mêmes remèdes

Face à ces prévisions macroéconomiques, les institutions internationales préconisent les mêmes deux remèdes. Le premier est le maintien d’une politique monétaire stricte – et donc un statut quo sur le niveau élevé des taux– pour faire refluer l’inflation, quand bien même celle-ci n’est pas le fruit d’une surchauffe économique. Et ce, alors même qu’au sein de l’Union européenne, la Commission alerte que « la transmission du resserrement de la politique monétaire pourrait peser sur l'activité économique plus longtemps et plus lourdement que prévu, étant donné que l'ajustement des entreprises, des ménages et des finances publiques à l'environnement de taux d'intérêt élevés pourrait s'avérer plus difficile » : en d’autres termes, la politique de taux d’intérêt élevés de la Banque centrale européenne pour juguler une inflation provoquée par des causes non monétaires (hausse des prix de l’énergie et des profits, difficultés d’approvisionnement) se traduira par moins d’investissement des entreprises, une plus faible consommation des ménages et une rigueur budgétaire (signifiant moins d’investissements publics) qui pèseront sur la croissance demain – et après-demain.

Le second remède consiste en des « efforts d’assainissement énergiques » des finances publiques. Et si l’OCDE préconise que ces efforts « ne se fassent pas au détriment des investissements nécessaires pour favoriser les transitions écologique et numérique ou des dépenses en faveur d’autres domaines hautement prioritaires propices aux gains de productivité, tels que l’acquisition de compétences », ils ne seront pas indolores sur les politiques publiques.

Le sujet est d’une actualité brûlante, à l’heure où de la révision des règles de gouvernance économique du Pacte de stabilité et de croissance, après l’utile suspension, durant la crise sanitaire, des critères de Maastricht – pas plus de 3 % de déficit, 60 % de dette publique. Les difficultés du couple franco-allemand à trouver une position commune laissent augurer, non seulement la sortie véritable du « quoi qu’il en coûte » dans l’UE comme dans les États membres, mais le risque d’une forme d’austérité budgétaire, au détriment des enjeux d’investissement dans le long terme, en particulier dans les domaines social et environnemental. A la différence de la réforme actuellement discutée à Bruxelles, la CFDT demande une réforme assurant la solidarité européenne, mettant les finances publiques au service de la création d'emplois de qualité, de services publics forts et de la protection sociale et permettant les nécessaires investissements dans la transition écologique juste.
 

2) En direct de la planète France

La France, avec une dette publique (109,7 % du PIB) en baisse depuis 2020, vit au rythme des verdicts des agences de notations, comme en témoignent les nombreuses interviews du ministre de l’Économie et des Finances dans les jours précédents. Le budget pour l’année 2024 – auquel il manquait environ 30 milliards d’euros d’investissement en faveur de la transition écologique et de la solidarité - n’était pas encore adopté que le gouvernement avait déjà annoncé 12 milliards d’euros d’économies pour 2025. Une nouvelle revue des dépenses publiques est déjà engagée et des réformes structurelles sont annoncées, qui restent largement à préciser… mais qui excluent d’ores et déjà toute réforme pour une fiscalité plus juste et garantissant un partage équitable des efforts. Ce passage à la loupe des dépenses publiques va s’opérer dans un contexte où notre modèle social menace de se fissurer, faute d’avoir consolidé ses fondamentaux et traité les nouveaux défis qui sont les siens : vieillissement de la population, système de soins, éducation, services publics et au public appellent des politiques publiques dignes de ce nom. Si la maîtrise budgétaire est indispensable, le risque d’une logique comptable sans cap, c’est d’hypothéquer les capacités actuelles et futures du pays.

De ce point de vue, le titre de la note de conjoncture de l’automne 2023 de l’OFCE est éloquent : « Sous la menace du chômage ». L’année 2024 serait l’année de la baisse de l’inflation (3,3 % en moyenne annuelle contre 5,7 % en 2023), sous l’effet d’une dynamique de prix mieux maîtrisée pour l’alimentation et l’énergie. L’inflation continuerait à être tirée essentiellement par les marges des entreprises, qui resteraient historiquement élevées en 2024 (32 % en 2024), continuant à faire reposer l’inflation à la charge des salariés.
 

Les effets inégaux de l’inflation

En janvier 2024, l’inflation s’établit à 3,3 %. Selon l’OFCE, ses effets sur le pouvoir d’achat des ménages sont hétérogènes. 10 % des ménages subissent une hausse des prix de leur panier de consommation inférieure à 3,3 % tandis que 10 % des ménages subissent une inflation supérieure à 6,9 %. Trois facteurs jouent particulièrement : le taux d’inflation subi augmente avec l’âge de la personne de référence du foyer ; il varie selon la catégorie socio-professionnelle (les ménages dont la personne de référence est un ouvrier ou un employé subissent un choc plus marqué que lorsqu’il s’agit d’un ménage cadre) ; le niveau de l’inflation diminue avec la position sur l’échelle des niveaux de vie. Les ménages n’ont pas la même capacité d’absorption du choc inflationniste selon leur capacité d’épargne. Les pertes de pouvoir d’achat sont ainsi clairement concentrées chez les plus pauvres et les familles monoparentales. Et les ouvriers et employés restent désavantagés par rapport aux cadres.

 

La croissance resterait modeste (autour de 0,9 % en 2024 selon la Banque de France).), sous l’effet des taux d’intérêt élevés. « L’effet de la politique monétaire amputerait la croissance du PIB de -0,9 point en 2024 », estime l’OFCE. Autrement dit, les effets négatifs de la politique monétaire sur la croissance économique sont aussi forts que ceux de la hausse énergétique. L’activité devrait connaitre un pic au troisième trimestre (+0,4 %) en raison de l’effet tourisme lié aux Jeux Olympiques à l’été 2024.

Les salaires réels augmenteraient (1,2 %) en moyenne en 2024, sans pour autant compenser les baisses antérieures (-1 % en 2022 et -1,4 % en 2023). C’est ce qui explique que le salaire réel reviendrait seulement en 2024 à son niveau de 2019, soit en moyenne cinq ans sans augmentations nettes des rémunérations. Après une baisse en 2022, le pouvoir d’achat devrait augmenter en 2023 et 2024 (respectivement 0,7 % et 0,8 %), toutefois de manière inégale parmi les ménages. En 2023, un peu moins de la moitié de la hausse s’explique par la progression des revenus du patrimoine, qui sont concentrés chez les plus aisés. En 2024, ce sera davantage la croissance des salaires qui devrait permettre des gains de pouvoir d’achat.

Depuis 2021, la répartition inéquitable des fruits de la croissance n’a pas été favorable à l’économie dans son ensemble. En effet, la baisse des salaires réels a réduit la consommation des ménages, et donc la croissance économique. Cela a provoqué une forme de reprise manquée par rapport à la forte dynamique postpandémique initialement prévue. La hausse prévue des salaires réels est de ce point de vue une bonne nouvelle pour toute l’économie et pour soutenir les créations d’emplois : en 2024, la croissance serait davantage soutenue par la consommation des ménages, du fait d’un pouvoir d’achat qui croît légèrement.

La consommation bénéficierait également d’une légère contraction du taux d’épargne. Toutefois, ce taux (proche de 18 % fin 2024, selon l’OFCE) demeure nettement au-dessus de son niveau de 2019, au détriment des perspectives de croissance. Le taux d’épargne des ménages n’est jamais revenu à son niveau moyen d’avant crise (15 % du revenu disponible brut). Les ménages n’ont pas puisé dans leur sur-épargne accumulée pendant la crise sanitaire pour faire face au choc inflationniste. Depuis 2020, ils ont accumulé l’équivalent de 220 milliards d’euros en « sur-épargne ». Cette vigueur du taux d’épargne est liée à la hausse des revenus financiers (intérêts et dividendes nets), davantage épargnés que les autres revenus. S’y ajoute la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés entre 2021 et 2023, pour un montant d’environ 8 milliards – ces ménages épargnant davantage que la moyenne de la population. Ce maintien à haut niveau de l’épargne reflète le caractère inégalitaire de la distribution des revenus en France, car les plus modestes n’ont pas les moyens d’épargner.

L’OFCE apporte un dernier facteur d’analyse : « Dans un environnement économique et politique instable, la perception des ménages quant à l’évolution à venir du niveau de vie en France reste très dégradée, ne les incitant pas à puiser dans leurs bas de laine. Les réformes de l’assurance chômage, mais surtout des retraites, dans un climat social conflictuel, ont pu conduire les ménages à être particulièrement prudents face aux incertitudes concernant les évolutions du système de protection sociale. Enfin, le développement d’un comportement de sobriété sur certains types de consommation peut également expliquer une partie de la hausse de l’épargne. »

Par ailleurs, le retournement de l’investissement s’amplifie, marqué par une baisse de l’investissement des entreprises (-1,1 % en 2024 après +3,1 % en 2023), mais surtout une forte contraction de celui des ménages (-5,7 % en 2024 après -5,8 % en 2023), atteignant un niveau historiquement bas. Or la baisse de l’investissement préfigure celle des emplois.

L’année 2024 serait par conséquent celle du retournement de la courbe du chômage, ce dernier passant de 7,2 % actuellement à 7,9 % fin 2024 dans un contexte de hausse marquée de la population active due à la mise en place de la réforme des retraites. La faible croissance de l’activité et le rattrapage partiel des pertes de productivité passées (toutes choses égales par ailleurs, il faut moins de travailleurs pour produire la même tâche lorsque la productivité augmente) auraient raison du fort dynamisme de l’emploi observé ces dernières années (-53 000 en glissement annuel en 2024, après 140 000 en 2023 et 509 000 en 2022).

Evolution du taux de chômage

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Source : Projections macroéconomiques, Banque de France, septembre 2023.

 

Baisse de la productivité : différents facteurs d’explication

Selon l’OFCE, les pertes de productivité expliqueraient deux tiers de la baisse du chômage jusqu’alors, avec des différences sectorielles importantes : elles jouent à plein dans les services marchands, un quart dans celui de la construction et à peine 15 % dans l’industrie. Ces pertes de productivité seraient imputables pour deux tiers à la baisse passée de la durée du travail (activité partielle), à l’accroissement des effectifs d’apprentis, aux soutiens publics inconditionnels apportés aux entreprises et à la baisse du coût réel du travail qui a pu favoriser des créations d’emploi. « La baisse de la productivité inexpliquée à ce stade, qui représente 480 000 salariés, dont 300 000 pour le seul secteur industriel, pourrait trouver son origine par exemple dans la mise en place du télétravail, la hausse du taux d’absentéisme ou du taux de rotation, la baisse du nombre de travailleurs détachés, la hausse du travail déclaré ou bien encore la rétention voulue de main-d’œuvre face aux difficultés de recrutement ou d’approvisionnement retardant certaines productions », explique l’OFCE.

Le dernier rapport du Conseil national de productivité propose un facteur d’explication complémentaire à la baisse inexpliquée de la productivité. « Notre analyse montre que les écarts de régimes fiscaux internationaux influencent la localisation des filiales d’une multinationale, et aboutissent à détacher la mesure des activités des revenus qu’elles génèrent. […] Ainsi, une fiscalité plus élevée dans le pays d’origine où est implantée la maison-mère d’une multinationale entraîne une délocalisation des revenus des actifs intangibles [comme les brevets par exemple] vers des pays à fiscalité plus basse, en l’absence de régulation des mécanismes d’optimisation fiscale. Cela entraîne une baisse, non de l’activité réelle, mais de la mesure de l’activité et donc de la productivité mesurée dans le pays d’origine. » Les économistes du CNP constatent ainsi « une différence de 0,04 point de pourcentage entre la croissance annuelle prédite [sans transfert vers dans des pays à fiscalité réduite] et observée de la productivité agrégée du travail, ce qui équivaut à une perte de 5,7 % du taux de croissance annuel de la productivité du travail au niveau agrégé (par rapport à la croissance annuelle de la productivité agrégée observée) entre 1997 et 2015 ». En clair, l’optimisation fiscale des entreprises réduit la productivité des travailleurs en France, avec des conséquences néfastes sur la hausse des salaires ou de l’emploi.

 

Contribution prévue des différents effets à la variation du taux de chômage entre la mi-2023 et la fin 2024

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3) Nouvelles frontières et nouveaux enjeux industriels

En France comme en Europe et dans le monde, il importe de ne pas perdre de vue le temps long au nom d’échéances de court terme. Il n’a pas échappé aux prévisions économiques de la Commission européenne que « les phénomènes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur, incendies, sécheresses, inondations), qui frappent plus souvent et toujours plus fortement l'ensemble du continent et au-delà […] illustrent les conséquences dramatiques que le changement climatique peut avoir non seulement pour l'environnement et les personnes touchées, mais aussi pour l'économie ».

Le FMI lui-même s’en inquiète. « Accélérer la transition écologique, accroître la résilience face aux chocs climatiques et améliorer la sécurité alimentaire de millions de personnes sont autant d’objectifs qui exigent un renforcement des cadres multilatéraux. »

C’est le sens de la revendication de la CFDT de construire, par la transition juste, un plan industriel européen et national au service des transformations écologiques de nos modes de production et de nos modes de vie. C’est indispensable pour accroître notre résilience face aux chocs, dans un contexte international enclin aux perturbations géopolitiques, économiques, démocratiques, sociales et écologiques, qui risquent de freiner la transition écologique et pèsent sur le pouvoir d’achat des ménages (voir l’étude de l’Ademe en encadré). 

Car la guerre d’agression de l’Ukraine par la Russie a fragmenté les principaux marchés des produits agricoles, des minerais et de l’énergie ; les tensions géopolitiques encore à l’œuvre pourraient aggraver la situation. De nouvelles perturbations du commerce des produits de base se répercuteraient sur les prix de ces produits, sur l’activité économique et sur la transition énergétique. Les pays à faible revenu supporteraient une part disproportionnée du coût économique car ils sont très tributaires des importations agricoles. En outre, une fragmentation des marchés des minerais rendrait plus coûteuse la transition énergétique et réduirait d’un tiers les investissements dans les énergies renouvelables et les véhicules électriques d’ici à 2030. Outre les actions ambitieuses que les Etats doivent planifier, le FMI suggère « un accord sur un corridor écologique pour protéger le flux international de minerais essentiels » et des « accords analogues sur les denrées alimentaires de première nécessité afin de stabiliser les marchés agricoles ».

De son côté, l’OCDE préconise, dans un environnement géopolitique de plus en plus complexe, de « prendre des mesures pour renforcer la résilience des chaînes de valeur mondiales face aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, réduire une dépendance excessive à l’égard de certains fournisseurs et les rendre moins complexes ». Et de souligner : « Les biens essentiels à la transition climatique devront faire l’objet d’une attention particulière, étant donné la forte progression des pratiques commerciales restrictives observée pour des matières premières critiques et la tendance croissante au repli sur soi qui caractérise les politiques industrielles ».
 

Quel coût économique à +3,5°C et selon les scénarios d’action ?

L’Ademe[1] explore le coût économique des dommages du changement climatique si le réchauffement atteignait +3,5°C (le scénario tendanciel du Giec). Par rapport à un scénario fictif sans changement climatique, il s’élève à plus de 10 points d’activité par ans d’ici à la fin du siècle : 6 points dus aux catastrophes naturelles dans le monde qui affectent les exportations françaises, 3 dus à la baisse des rendements agricoles et 1 du fait de la montée du niveau de la mer et des coûts directs des catastrophes naturelles en France. De premières estimations que l’Ademe qualifie elle-même de “très probablement sous-estimées”, en raison des coûts non pris en compte car difficiles à estimer, liés à la perte de biodiversité et à l’emballement climatique.

L’Ademe a aussi comparé les coûts de trois scénarios : le premier (“transition ordonnée”) correspond à la mise en œuvre progressive, dès à présent, de politiques afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ; le second (“transition retardée”) attend 2030 pour mettre en œuvre de telles politiques ; le dernier (“inaction”) conserve le mix énergétique actuel. En France, la transition retardée conduirait à une perte de près de 1,5 point de PIB en 2030 et de 5 points de PIB en 2050. Le scénario d’inaction coûterait quant à lui, à l’horizon de la fin du siècle, près de sept points de PIB annuels, par rapport à une transition ordonnée.

Cela revient moins cher d’organiser les filières, de lancer les investissements, de former les salariés, de reconvertir certains secteurs dès aujourd’hui. Si l’on s’y prend trop tard, les mesures seront plus brutales", souligne l’Ademe qui souligne le coût des actifs échoués (1 100 milliards de dollars d’ici 2050 en cas de transition retardée) : des voitures qu’on n’aura plus le droit d’utiliser du jour au lendemain, des logements difficiles à vendre, des usines qui devront fermer, etc.

 

[1]Les risques climatiques et leurs coûts pour la France – une évaluation macroéconomique

 
L’enjeu d’investir dans la croissance de demain, par des politiques industrielles qui permettent les indispensables transformations écologiques en faisant de la transition juste l’axe structurant des politiques publiques, reste donc plus indispensable que jamais. De là à semer les graines d’une croissance qui tienne compte de ses coûts environnementaux et sociaux et de politiques économiques qui soient scrutées au prisme de leur impact sur les limites planétaires et la cohésion sociale, il y a un pas que nous n’avons pas franchi. Mais qui ne demande qu’à mûrir.
 

Ce qu’il faut retenir des perspectives économiques pour 2024

  • La croissance mondiale ralentit, en particulier dans les pays développés. En France, elle demeure modeste et les prévisions gouvernementales paraissent excessivement optimistes.
  • Les tensions géopolitiques font peser un risque sur l’accessibilité et le prix des matières premières alimentaires et de la transition énergétique, alors même qu’il y a urgence à conduire une « transition ordonnée » vers la neutralité carbone à l’horizon 2050 pour diminuer le coût économique du dérèglement climatique.
  • La croissance européenne est ralentie par le maintien d’une politique monétaire stricte, destinée à juguler l’inflation : les taux d’intérêt élevés nuisent à la capacité d’investissement des ménages (en particulier dans l’immobilier), des entreprises et des Etats, fortement endettés à la suite de la crise sanitaire. C’est l’un des enjeux de la révision des règles de la gouvernance économique européenne de ne pas hypothéquer les capacités actuelles et futures des États membres en sabrant aveuglément dans les politiques publiques de cohésion sociale.
  • Si l’inflation devrait ralentir en 2024, elle ne pèse pas de manière uniforme sur les ménages : les pauvres, les familles monoparentales, les ouvrier et les employés en subissent davantage les effets. Ces inégalités doivent être prises en compte dans les NAO.
  • La sur-épargne des plus aisés contribue à ralentir la croissance et l’investissement des ménages, sous l’effet de la conjonction de prix de l’immobilier et de taux d’intérêt élevés, dans un contexte économique, politique, environnemental, social et géopolitique qui ne favorise pas la confiance dans l’avenir.
  • Le marché du travail français devrait notamment faire les frais de cette situation à court et à moyen terme à travers une hausse du taux de chômage
  • L’ensemble de ces perspectives confortent clairement la revendication de la CFDT d’une politique industrielle permettant de construire et renforcer les filières stratégiques en France et en Europe afin de répondre aux besoins essentiels de demain, de consolider les relais de croissance de demain et de développer des emplois de qualité.